Nourrir de bonnes présomptions vis-à-vis des serviteurs de Dieu

Traduit par Mohammad

Première partie du sermon donné le vendredi 11 juin 2004 par Sheikh Al-Boutî.

Louanges à Dieu moult fois renouvelées. Louange à Dieu à la hauteur de Ses bienfaits et de Son supplément de Faveur. Seigneur, louanges à Toi comme il se doit pour Ta Face honorée et la Magnificence de ton Pouvoir. Gloire à Toi Seigneur ; je ne suis point capable de Te louer comme il convient ; Tu es Tel que Tu T’es loué Toi-Même. J’atteste qu’il n’y a de divinité hormis Allâh, l’Unique sans associé. Et j’atteste que notre maître et prophète, Mohammad, est le serviteur de Dieu et Son Messager, Son Élu et Son Ami proche, le meilleur prophète envoyé. Dieu l’a envoyé au monde entier en guise d’annonciateur de la bonne nouvelle et en guise d’avertisseur. Seigneur, accorde Ta prière, Ta paix et Tes bénédictions, à notre maître Mohammad, ainsi qu’à sa famille, une prière et une paix permanentes et indissociables jusqu’au Jour Dernier. En outre, je vous recommande – ô musulmans – ainsi qu’à ma personne pécheresse la crainte révérencielle d’Allâh – Exalté soit-Il.

Ô serviteurs de Dieu !

Parmi les choses connues et manifestes dans le Livre d’Allâh, il y a le fait que Dieu – Exalté soit-Il – a exhorté Ses serviteurs afin qu’il y ait parmi eux des gens qui appellent à la voie de Dieu par la sagesse et la bonne exhortation. Ils ordonnent le convenable et interdisent le blâmable. Il dit à cet effet : « Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront. » 1

Toutefois, il est des gens à qui Dieu – Exalté soit-Il – a rendu possible l’accomplissement de cette injonction divine et qui, forts de cette position où ils se trouvent à ordonner le convenable, interdire le blâmable et appeler à Dieu, ont l’illusion d’être, ainsi que leurs semblables, les seuls à être sauvés le Jour de la Résurrection. Ils estiment que les autres gens qui, semble-t-il, se sont écartés du chemin de la guidance et ont dévié du droit chemin d’Allâh, sont perdus et seront châtiés le Jour de la Résurrection. Ainsi se répand la présomption du vice dans l’esprit de nombre de gens s’occupant – ainsi leur semble-t-il – d’ordonner le convenable, d’interdire le blâmable et d’appeler à Dieu. Tel est le fléau de cette position par laquelle Dieu peut éprouver certains de Ses serviteurs. Il s’agit d’un fléau dangereux, voire périlleux.

Quel est donc le garde-fou dont doit se munir tout individu impliqué dans l’appel à Dieu, dans l’injonction du convenable et l’interdiction du blâmable afin de ne pas tomber dans ce gouffre ? Eh bien, il faut qu’il se souvienne en permanence de l’immensité du bienfait et de l’immensité de la miséricorde de Dieu – Exalté soit-Il – envers Ses serviteurs. Il doit se rappeler la parole d’Allâh – Exalté soit-Il – : « Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allah. Car Allah pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux. »2  Il doit se rappeler la parole de l’Élu – paix et bénédictions sur lui – rapportée par les deux Sheikhs3 : « Celui qui meurt sans rien associer à Dieu entrera au paradis » ou sa parole, rapportée par Al-Bazzâr selon une chaîne de garants authentique : « Quiconque dit sincèrement « il n’y a nulle divinité hormis Allâh » entrera au paradis. ». Il doit se rappeler la parole de l’Élu – paix et bénédictions sur lui – rapportée, entre autres, par Muslim dans son Sahîh : « Si un homme dit “les gens ont péri”, il est le plus en péril d’entre eux. »

Lorsque Dieu m’octroie l’honneur d’appeler à Sa religion, d’enjoindre le convenable et d’interdire le blâmable et que je me rappelle ces textes issus de la parole de Dieu – Exalté soit-Il – et de la parole de notre Messager, l’Élu – paix et bénédictions sur lui et sur sa famille -, ce fléau ne trouve aucune prise sur moi. Je serai alors à l’abri de ce fléau et j’aurai réuni deux devoirs : celui d’enjoindre le convenable, d’interdire le blâmable et d’appeler à Dieu – Exalté soit-Il -, d’une part, et celui de nourrir de bonnes présomptions à l’égard de Ses serviteurs qui croient tous en Lui, d’autre part. Comment peut-il en être autrement alors que le Messager de Dieu – paix et bénédictions sur lui – dit dans le hadîth authentique : « Que nul d’entre vous ne meure sans nourrir de bonnes présomptions à l’égard de Dieu. » Comment un individu invité à nourrir de bonnes présomptions à l’égard de Dieu – Exalté soit-Il – peut-il ensuite être déçu par Dieu – Exalté soit-Il ? Qui me demande de nourrir de bonnes présomptions à l’égard de Dieu – Exalté soit-Il ? C’est Allâh Lui-Même. Est-il possible qu’Allâh – Exalté soit-Il – m’incite à nourrir de bonnes présomptions à Son égard, puis qu’Il déçoive mon espoir en Sa promesse ? Non, cela n’est point possible et Dieu – Exalté soit-Il – est au-dessus de cela.

Il convient donc que les musulmans en général, et ceux d’entre eux que Dieu a honorés en leur confiant la mission d’instruire les gens des choses de la religion en particulier, qu’ils s’écartent de ce fléau et qu’ils se gardent de faire de la mission d’injonction du convenable et d’interdiction du blâmable un piédestal grâce auquel ils s’élèveraient au-dessus de tous les autres gens. Qu’ils se gardent de regarder autrui avec mépris, puis de penser qu’ils sont ceux qui jouissent de la position que Dieu – Exalté soit-Il – agrée. Il se peut en effet qu’un homme enjoigne le convenable, interdise le blâmable et appelle les gens à Dieu, puis se retrouve dans les tréfonds le Jour de la Résurrection, tandis que les gens du commun qui écoutaient son discours jouissent d’un rang supérieur au sien auprès de Dieu – Exalté soit-Il.

Le problème des musulmans aujourd’hui réside dans le fait que chaque groupe de musulmans prétend être le groupe sauvé au regard de Dieu – Exalté soit-Il – tandis que les autres seraient enchaînés dans le châtiment de Dieu, exclus de Sa miséricorde et privés de Son bienfait. Mais qui donc a décrêté cela ? Comment cette conviction s’est-elle infiltrée dans leurs esprits et a-t-elle fini par accaparer leurs pensées ? Que l’islam se transforme en plusieurs islams et que les musulmans se divisent en diverses sectes, voilà une catastrophe majeure. Mais il y a pire : que chaque secte ou chaque groupe pense être le groupe sauvé du châtiment de Dieu exclusivement, et que les autres seraient enchaînés dans la colère de Dieu – Exalté soit-Il – désespérant de Sa miséricorde et de Son bienfait. Or, vous avez entendu la parole de Dieu, ainsi que les enseignements de l’Élu – paix et bénédictions sur lui – dans le hadîth authentique : « Celui qui meurt sans rien associer à Dieu entrera au paradis ». Vous avez entendu l’Élu – paix et bénédictions sur lui – dire : « Que nul d’entre vous ne meure sans nourrir de bonnes présomptions à l’égard de Dieu. » C’est à croire que l’Élu – paix et bénédictions sur lui -, lui qui a été honoré par son Seigneur par l’accomplissement des miracles, avait eu un aperçu du futur par la volonté de Dieu – Exalté soit-Il – et avait entrevu que certaines personnes viendraient après lui, s’enorgueilliraient de leur voie, et distribueraient tous azimuts les qualificatifs de mécréance, d’hérésie et d’éloignement de la miséricorde de Dieu – Exalté soit-Il – aux serviteurs de Dieu, sans s’abstenir, ni se retenir, d’attester du péril de tous les autres. D’où la parole du Prophète – paix et bénédictions sur lui – : « Si un homme dit “les gens ont péri”, il est le premier d’entre eux à périr. » et dans une variante « il est le plus en péril d’entre eux. » Il se peut enfin que l’un de ces vils prétentieux cherchent à argumenter. Il se peut qu’ils avancent la parole de l’Élu – paix et bénédictions sur lui – transmise de manière authentique : « Les Juifs se sont divisés en soixante et onze sectes, les Chrétiens se sont divisés en soixante-douze sectes et ma communauté se divisera en soixante-treize sectes. » Il se peut même qu’ils y ajoutent un passage supplémentaire, à savoir « toutes iront en Enfer sauf à se conformer à ma tradition et à celle de mes compagnons. »

Je dois vous dire, chers frères :

Premièrement, la narration notoire et authentique ne comporte pas cette addition. Elle ne comporte pas « toutes iront en enfer sauf à se conformer à ma tradition et à celle de mes compagnons ». Par conséquent, il n’est permis à personne de dire qu’il appartient au groupe sauvé alors que tous les autres sont voués à l’enfer. Néanmoins, si on admet la narration « toutes iront en enfer sauf à se conformer à ma tradition et à celle de mes compagnons », le terme « communauté » (ummah) ne désigne pas la communauté d’acceptation, mais plutôt la communauté d’appel. Si l’Élu – paix et bénédictions sur lui – visait par le terme « communauté » les musulmans ayant adhéré à l’islam, il aurait dit : « Les Juifs se sont divisés en soixante et onze sectes, les Chrétiens se sont divisés en soixante-douze sectes et les musulmans se diviseront en soixante-treize sectes ». Car à titre de comparaison avec les Juifs et les Chrétiens, il userait du groupe équivalent à ces deux groupes, à savoir les musulmans. Mais le Prophète – paix et bénédictions sur lui – a évité le terme « musulmans » car, quiconque adhère à l’islam véritablement, et meure en étant musulman, entrera au paradis. Ainsi a-t-il évité le terme « musulmans » et a dit : « ma communauté se divisera », sachant que le terme « communauté » revêt deux significations :

  • La communauté d’appel : Elle comprend toute personne à qui l’Élu – paix et bénédictions sur lui – a été envoyé jusqu’au jour de la résurrection, y compris les athées, les libertins, les mécréants et les débauchés, quelle que soit leur religion et quelle que soit leur appartenance. Toute personne venant après le Messager d’Allâh – paix et bénédictions sur lui – jusqu’au Jour de la Résurrection fait partie de la communauté de l’Élu, au sens de la communauté d’appel.

  • La communauté d’acceptation : Il s’agit des musulmans qui ont accepté l’appel de Dieu – Exalté soit-Il – transmis par l’Élu – paix et bénédictions sur lui – et ont embrassé l’islam.

Que nul ne se serve de cette parole de l’Élu – paix et bénédictions sur lui – pour en faire une bonne nouvelle destinée à sa seule personne et vouant les autres gens, avec une témérité incroyable et étrange, et avec une tranquillité encore plus étrange, au feu de Dieu – Exalté soit-Il. Et il n’y a point de remède que je connaisse actuellement à ce fléau véritable.

Que les musulmans se divisent en groupes et que chacun de ces groupes décide de son propre chef de distribuer des certificats de mécréance aux autres groupes, que peut bien être la conséquence de cette division ? Quelle est la conséquence de cet effrittement dont l’acuité augmente au fil des jours ? Nous ne doutons guère qu’il est des gens qui visent à accentuer cette division et ces dissensions. Il n’y a qu’un seul remède à cette situation, à savoir la purification de soi. Que l’être humain se penche sur son cœur, le lieu où résident les sentiments nobles et moins nobles, qu’il se penche sur son âme qui peut devenir une âme incitatrice au mal, précipitant le péril de son sujet, ou qui peut s’élever pour devenir l’âme quiète louée par Dieu – Exalté soit-Il – dans sa Révélation parfaite. Lorsqu’il examine son cœur pour le débarrasser de l’amour de toute chose sauf de l’amour de Dieu, et de l’attachement à toute chose en dehors de Dieu – Exalté soit-Il -, il se libère du sectarisme, il s’affranchit de son admiration pour lui-même. Il se défait de toute vanité et de son amour pour toutes sortes de viles passions dont on ne peut traiter ici. Il cure son âme en poursuivant la purification de son cœur de toute impureté qui le dénature et en la hissant au niveau de l’âme quiète et satisfaite. Tel est le remède pour que le musulman nourrisse de bonnes présomptions vis-à-vis de tous les serviteurs de Dieu. Cela le poussera à croire que les autres musulmans ayant foi en Dieu – Exalté soit-Il – sont meilleurs que lui. En effet, il ignore ce qui l’attend au delà de la barrière de la mort et il ne peut prévoir pour lui-même, et moins encore pour celui qu’il accuse de perversion ou de débauche, ou celui qu’il qualifie d’innovateur, ou encore celui qui s’écarte de ce qu’il croit être la seule voie juste. Il ignore tout cela. Et voici que l’Élu – paix et bénédictions sur lui – dit : « Que nul d’entre vous ne meure sans nourrir de bonnes présomptions à l’égard de Dieu. » et aussi : « Celui qui meurt sans rien associer à Dieu entrera au paradis ». Le voici ordonnant à Abû Hurayrah de se chausser et d’aller porter la bonne nouvelle au monde entier que quiconque atteste sincèrement qu’il n’y a point de divinité sauf Allâh, et meure dans cet état, entrera au paradis.

Comment puis-je donc nourrir des soupçons à l’égard des serviteurs de Dieu – Exalté soit-Il ? Comment, en vertu de ma position parmi eux de prédicateur ordonnant le convenable et interdisant le blâmable, comment puis-je me considérer meilleur qu’eux, alors que j’ignore quelle épreuve m’attend au détour des sentiers de la mort avec laquelle j’ai un rendez-vous immanquable ? Lorsque le musulman bonifie son âme et la débarrasse des impuretés, et qu’il préserve ce récipient qu’est son cœur, lorsqu’il purifie son cœur de l’amour des passions, des désirs, et des vils appétits, et élève ses sentiments vers l’amour de Dieu – Exalté soit-Il -, à ce moment, il se préserve de ce fléau et on n’a plus de crainte pour lui. Il peut alors voir la perversion des pervers et la débauche des débauchés, tout en réunissant deux qualités, celle d’enjoindre le convenable tout en l’accomplissant et d’interdire le blâmable et de le pourchasser où qu’il soit, d’une part, et celle de nourrir de bonnes présomptions envers les serviteurs de Dieu – Exalté soit-Il – sans exception, d’autre part.

En conclusion de mon propos, j’implore Allâh – Exalté soit-Il – de m’accorder ainsi qu’à vous la grâce de purifier nos âmes et nos cœurs des impuretés qui les frelatent, afin que se résolvent tous les problèmes que connaissent les musulmans.

Et j’implore le pardon d’Allâh pour moi-même et pour vous.

Notes :

1 Sourate 3, Âl `Imrân, La famille d’Amram, verset 104.

2 Sourate 39, Az-Zumar, Les groupes, verset 53.

3 Al-Bukhârî et Muslim. NdT.

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